Sous la moquette, Manon E., 4e2

Publié le par lettracoubertin

Sous la moquette

 

Je m'appelle Sophie Bourdin, j'ai douze ans et j'habite depuis peu à Bruxelles, en Belgique. Je vis à la campagne, dans une villa située dans un très joli hameau avec mes parents et ma grande sœur de seize ans, Elise. Je l'aime beaucoup ;  elle joue avec moi à des jeux de rôle que j'invente grâce aux histoires que je lis : des récits fantastiques, pleins d'intrigues et de phénomènes irrationnels. Quand je les lis, j'entre dans un monde nouveau, un monde où je me sens à ma place, un monde où tout le monde s'aime et communique, un monde où la méchanceté n'existe pas, un monde où tout le monde est écouté et soutenu. Un monde parfait où il ferait bon vivre. Malheureusement, la réalité est bien loin de mes livres.

A l'école, je n'ai pas d'amis sauf Salomée, une fille de ma classe très gentille et compréhensive. Les autres me jugent trop enfantine : insouciante, espiègle, immature ... Ils disent que mes “bouquins” me montent à la tête, ce qui est, à mon avis, faux. Pourquoi un enfant de douze ans n'est-il pas libre d'avoir beaucoup d'imagination et de jouer à des jeux qui lui plaisent sans paraître fou ou anormal ? Depuis que l'on a emménagé je fais des cauchemars. Des cauchemars terrifiants qui vous font vous lever la nuit le front perlé de sueurs froides. Ces nuits-là, je vais dans la chambre d'Elise pour dormir avec elle. Le fait de la savoir près de moi me rassure et m'aide à me calmer et à retrouver le sommeil. Sa chambre est grande et blanche, avec un lit de deux places en face d'une grande fenêtre et un grand placard avec un miroir. Je sors donc de ma chambre sur la pointe des pieds afin de n'éveiller personne et me faufile dans le lit de ma sœur.

Habituellement, je m'endors quasiment de suite, sous les reflets de la Lune qui traversent la grande fenêtre mais depuis plusieurs semaines rien en va plus…

 

                                                           ***      

 

Une nuit, alors que j'étais sur le point de m'endormir, je crus apercevoir une grosse bosse sur le mur. Pourtant de nature très curieuse, je ne me levai pas vérifier, croyant que mon esprit mort de fatigue me jouait des tours. Hélas !

Peu de temps après, je refis un cauchemar et comme d'habitude, je suis allée dans la chambre de ma sœur. Je m'apprêtai à m'endormir quand, tout à coup, j'entendis une respiration. Ce n'était pas celle de ma sœur et ce n'était pas la mienne non plus. C'était celle d'une bosse, située sous la moquette de ma grande sœur. " D'une BOSSE ? La fatigue me rend folle ..." pensai-je d'abord. Pour une petite fille tant curieuse, la tentation était trop forte. Je ne pus m'empêcher de me lever. Une envie irrésistible de toucher cette chose mystérieuse m'envahit. La chose eût la même réaction qu'aurait eu n'importe quel être humain pris par surprise : elle fît un sursaut et s'en alla à vive allure, vers je ne sais où, car j'ai eu tellement peur que je poussai un cri de terreur en même temps que je m'éloignai de ce phénomène. Pendant que tout le monde dormait tranquillement dans son lit, je menais désormais l'enquête sur cette chose, un nouvel être peut-être. Puis d'un coup, je fus frappée par un éclair de lucidité : et si les élèves de ma classe avaient raison ? Et si mes bouquins me montaient réellement à la tête ? Oh mon Dieu ! Et si je devenais complètement folle ? Oui, ce doit être cela. Qui pourrait croire qu'une chose vivante vient se reposer sous la moquette de ma sœur toutes les nuits ?! C'est dans ces moments-là que l'on se rend compte que l'on n'est plus sûr de rien, qu'on est impuissants et tout petits, que le danger existe, car à ce moment précis, je ne sais plus quoi penser et je me sens en danger... Je vais arrêter de lire mes livres !

Puis, après toutes ces réflexions, je regagnais le lit d'Élise. « Il faudra que je lui dise qu'elle n'est pas seule dans sa chambre » pensai-je.

 

Le lendemain, je fis des recherches sur Internet, par hasard, pour voir si quelqu'un avait déjà eu ce genre de problème, rien. Je recherchais alors des articles évoquant l'existence d'êtres invisibles, d'esprits ou quelque chose du genre. Et je trouvai ! Dans un article datant de 1886.

"Le Ripou: Créature qui loge dans les murs ou les sols des habitations. Personne ne l'a jamais vue. On peut juste voir une grosse bosse qui bouge (respiration, bruits étranges, mouvements ...)."

Cet article m'a glacé le sang. Je ne me souviens pas avoir déjà éprouvé une peur aussi forte que celle que j'ai eue en lisant cet article. J'ai appelé Élise et mes parents pour leur expliquer les faits. Ils ricanèrent, levèrent les yeux au ciel ... Ma mère rétorqua : " Ma chérie, ce qu'il y a dans les livres n'existe pas en vrai !" Et elle me fit un petit bisou sur la joue. J'étais déçue que ma famille ait l'esprit aussi fermé, mais je n'étais pourtant pas étonnée. Tant pis. Ma bataille est désormais de leur prouver que je ne suis pas folle, car j'en ai désormais la certitude. Je l'ai vue, moi ! A moins ce que tout cela ne soit qu'une hallucination et que l'auteur de cet article ne soit qu'un pauvre fou ayant perdu la raison. Et puis zut ! Qui ne tente rien n'a rien ! Je me résolus donc à poursuivre mon enquête, soutenue ou pas.

 

Pour la nuit suivante, j'avais tout prévu : une lampe frontale, un appareil photo, un bloc note avec un stylo et un gros cutter pour déchirer la moquette et en faire sortir le Ripou. Tout était prêt. J'avais programmé mon réveil à minuit pile.

A minuit, quand mon réveil sonna, je me dépêchai de l'éteindre pour n'alarmer personne et je courus discrètement dans la chambre de ma grande sœur qui ne croyait pas à l'existence de ce fameux Ripou. Mon cœur battait la chamade. J'étais tétanisée, mais rien ne pouvait plus m'arrêter dans ma lancée. Il fallait que je sache si cette chose existait, si l'espèce humaine était en danger, si le Ripou pouvait nous faire du mal à ma famille et moi. J'avais besoin de réponses et de preuves concrètes qui pourraient m'aider à convaincre ma famille que je me suis pas folle, que mes livres ne me montent pas à la tête et qu'il peut y avoir une autre forme de vie que nous ne connaissons pas encore. Peut-être voulais-je aussi me convaincre un peu moi-même, aussi ? J'allais savoir tout cela une poignée de minutes plus tard. J'attendais le Ripou de pied ferme, lampe frontale positionnée avec dans une main l'appareil photo et dans l'autre le cutter. Ma sœur dormait à poings fermés, le sommeil lourd. A minuit et vingt-et-une minutes, je commençai à entendre un bruit de frottement, de mouvement puis, une respiration. Je commençai à trembler, mais je me ressaisis vite. Il arrivait !! J'attendis qu'il arrête de bouger, puis je commençai mon opération. D'abord, je pris des photos de divers angles de la bosse et je pris des notes : l'heure de son apparition, l'endroit exact où il se situait etc. Puis, en m'approchant tout doucement, le cœur battant à tout rompre, je commençai doucement à sortir la lame du cutter, et je fis une ouverture dans la moquette.  L'épouvante était à son comble. La bosse s'estompait. Comme si quelque chose en sortait, mais je ne vis rien. Rien. Pourtant je sentais une présence. Mon sang était glacé et je m'imaginais blanche comme un linge. Que se passait-il ? Le Ripou était peut être invisible ? C'était obligé ! Je sentis des picotements. Les larmes coulaient toutes seules. J'étais paralysée de peur, mon corps ne m'obéissait plus. Ma respiration était courte, mes jambes tremblaient, je claquais des dents, mes mains vibraient de terreur. J'ouvris grand la bouche pour prendre une grande inspiration, et je le sentis. Ce fût comme si je l'avais bu, aspiré et qu'il demeurait désormais en moi. Je couru dans le lit d'Élise et la pris dans mes bras, montant la couette jusqu'au-dessus de ma tête tout en l'enfonçant dans le coussin, n'osant plus bouger. Je restai toute la nuit comme ça. Le lendemain matin, je fus réveillée par les cris et les plaintes de mes parents et de ma sœur. Ils observaient l'ouverture que j'avais faite la veille dans la moquette, à l'aide du cutter. Je me levai et immédiatement, ma famille m'inonda de question :

" - Qu'est-ce que c'est que ça ?

- C'est toi qui as fait ça ? Pourquoi ?

- Qu'est-ce qui t'arrive en ce moment ?"

Je voulus répondre, mais les mots ne vinent pas. Réellement. Je ne pouvais plus parler. Il m’était impossible de parler. Je pouvais juste marcher.

 

 

***

 

Tout cela dure depuis trop longtemps et je ne sais plus que faire. Je suis toujours morte de peur car je sens que je ne suis pas seule à l'intérieur de ma tête. Une puissance inconnue me ronge et me rend complètement folle. Je perds totalement la raison. Ma famille pense que je le fait exprès car j'ai peur de me faire gronder. Qu'y gagnerais-je ? S'ils savaient comme je me sens ! Si seulement ils pouvaient lire dans mes pensées ! Ils pourraient y lire l’appel au secours d’une petite fille qui ne sait plus qui elle est. Qui ne sait plus rien. Je suis  une folle, qui dit ne pas être seule dans sa tête. Il n'y a qu'une seule solution pour remédier à cela : éliminer cette deuxième personne qui règne en moi. Et pour y parvenir, il faudra que je m'élimine ... moi.

 

Manon E., 4e2

 

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